Quelques souvenirs sur Unang et les de Soissans – Abbé Rodolphe Charrasse, fils du docteur Jean-Baptiste Charrasse

Le château d’Unang

Château d’Unang
Extrait du livre de Marie-Thérèse Jouveau sur Joseph d’Arbaud

Caractéristiques. Site. Description générale.

Château d’agrément, constitué par de grands bâtiments, sans style proprement dit : une résidence provinciale, où vécut une noble famille.

Située dans un site pittoresque, à un kilomètre et demi de Malemort, sur la route de Méthamis (à droite à quelques centaines de mètres) au bord d’un vallon ombragé. Quelques terres de culture, mais […] des bouquets de gros chênes, quelques cyprès, et autour du château, de grands platanes très décoratifs.

Le château est une vaste bâtisse. A l’arrivée, par le chemin tortueux et vallonné, on débouche sur une sorte d’esplanade, avec au centre, comme sobre motif d’ornement, un palmier entouré d’une corbeille de lierre.

On a en face de soi la façade latérale du château, qui sert d’entrée. Un porche, perçant de part en part cette aile latérale, et laissant voir en perspective la terrasse, ou plutôt, l’allée qui brode le bâtiment central, avec, au fond, les escaliers de la petite chapelle gothique où reposent maintenant les corps du marquis de Raphélis Soissans, mort aux zouaves pontificaux, ceux de la marquise que nous avons connue et de sa fille Edgarde, ainsi que les corps du père Simiani, du père Magne.

Le porche finit par une grille en fer forgé, et un vestibule en arceau, de plein pied avec le sol, pavé, donnant entrée à droite aux escaliers de ces dames. La fenêtre au-dessus est celle de « la bibliothèque », appartement de petites dimensions où se tenaient généralement ces dames, dont on apercevait ordinairement à l’arrivée la silhouette dans l’encadrement des rideaux…

Cette façade latérale constituait l’une des deux ailes du bâtiment. Elle se prolongeait à droite par une tourelle entourée de lierre, puis par des appartements de service, avec à l’angle une seconde tourelle dont la porte donnait sur l’esplanade, et où furent aménagés plus tard des appartements pour M. l’aumônier (l’abbé Sautel, l’abbé Camicar). En bordure de l’esplanade, sur la droite, des écuries et autres dépendances où logeaient les fermiers.

Le bâtiment principal était constitué par une série d’appartements en enfilade, donnant une perspective curieuse : dans l’un de ses appartements, au rez-de-chaussée, se trouvait la salle à manger où l’on pouvait admirer un magnifique buffet Renaissance, orné de cariatides, à la sculpture remarquable et finement fouillée, attribué d’ailleurs par certains à Jean Goujon, et dont on avait vainement offert à Mme de Soissans un million…

Au premier étage, autre appartements en enfilades, salons ? et chambres…

L’antichambre de ce premier étage, que l’on traversait au sorti des escaliers, et d’où, par quelques autres marches, on accédait dans la « bibliothèque », servit de salle à manger après la mort de Mlle Edgarde…

C’est en ce premier étage qu’avait été aménagée une chapelle intérieure d’hiver, très intime, où les corps de Mlle Edgarde, du père Magne et de Mme reposaient après leur mort, et où furent des messes […] présent.

La façade principale donnant sur la place : une longue bâtisse, percée régulièrement de portes et de fenêtres. Au devant, une allée bordée de beaux platanes, et de rampes de buis, avec autres motifs de buis taillés avec point. Puis le parc, en plantations à palisses, progressifs, en étages, ombragées de grands arbres, où le père de Simiani s’exerça parfois au travail manuel… De grands bassins plus ou moins délabrés et délaissés.

A l’extrémité de l’allée, en limitant agréablement la perspective, la gracieuse chapelle gothique, au-dessus d’un perron de quelques marches, chapelle où j’ai célébré une de mes premières messes en juillet 1915.

Quelques souvenirs sur Unang et les de Soissans – Abbé Rodolphe Charrasse, fils du docteur Jean-Baptiste Charrasse

Ces dames

Edgarde et Louise de Raphélis-Soissan – Une famille en Provence chronique photographique 1894-1914, page 218

La marquise de Raffélis-Soissan, dont le mari1 mourut très jeune, quelques temps avant la naissance de sa fille, zouave pontifical : ce qui permettait à ces dames d’avoir accès aux audiences privées au Vatican, surtout au temps de Pie X, lors de leurs voyages fréquents à Rome, où elles connaissaient le cardinal Merry Del Val.

L’une de ses expressions favorites : « C’est merveilleux ! »

Ses deux amours : le Pape et le Roy.

Un grand éloge dans sa bouche : « Il est très Action française !… »

Elle est morte à Unang, quelques années après sa fille Edgarde ; d’ailleurs, depuis la mort d’Edgarde, elle avait promis à sa mémoire de ne plus sortir du domaine d’Unang : elle tint parole.

Melle Edgarde – Marie Josèphe Louise Edgarde de Raffélis-Soissan – née le 25 mars 1866, fête de l’Annonciation, retournée à Dieu le 11 février 1916, fête de l’apparition de Notre Dame à Lourdes, donc âgée de 50 ans. Physionomie discrète, effacée, visage ravagé, sans aucun charme naturel. Mais âme très intérieure, liliale.

Elles ne s’étaient jamais quittées, sa mère et elle. Très unies, ne quittant guère Unang que pour Rome. Vie très retirée dans le site solitaire et recueilli d’Unang. De temps à autre, elles excursionnent dans les gorges de Méthamis et de Murs, accompagnées parfois d’un de leurs hôtes, suivies généralement de leur servante Eugénie ou de Ninon, la vieille nourrice d’Edgarde, portant les provisions de bouche.

Elles ont le piolet, ou plutôt l’alpenstock, à la main. et le chapeau de paille enveloppé d’un large voile telles les grandes dames d’autrefois lorsqu’elles partaient en voyage. D’ailleurs, elles ignorent les excentricités et les variations de modes actuelles, toujours vêtues à la mode d’autrefois, de longues jupes à traine, des corsages aux cols montants, et aux poimanches descendant jusqu’aux poignets, Mme la marquise à peu près toujours en couleur noire, sa fille Edgarde très souvent en blanc (ou en bleu), les couleurs préférées de la Vierge…

On respire, à Unang, une atmosphère d’autrefois, on se croit revenu d’un ou deux siècles en arrière.

Ces dames ne sont pas de leur temps, elles vivent dans un monde quelque peu irréel mais cette sorte de régression dans le passé, en leur compagnie, ne manque pas de charme et leur conversation est intéressante (Dieu et le Roi, des biographies de mystiques, des anecdotes… Elles reçoivent force revues. Elles entretiennent une vaste correspondance, elles sont en relation au moins épistolaire avec des personnalités très variées ;  elles offrent même parfois l’hospitalité d’Unang à certaines d’entre elles : Joseph d’Arbaud2, Delest A.F.

Quelques personnalités rencontrées chez elles

Surtout des religieux appartenant ordinairement à des ordres divers.

Le père Magne, S. J. qui mourut à Unang et y est enseveli.

Le père de Simiani, cistercien appartenant à une grande famille d’Italie, diabétique.

Le père Paulin, long, maigre, chauve, physionomie originale. Il assura l’intérim de Malemort à la mort du bon et vieil abbé Girard.

Dom Léonce, cistercien de Lérins et de Sénanque, avec lequel nous dinâmes3, en famille à Unang, lorsque, revenant de Sénanque, il regagnait Lérins, abbé nommé mais non encore intronisé de l’abbaye de Lérins.

Vers 1914, l’aventurier qui se fit passer pour un dominicain polonais et n’était qu’un espion, garçon coiffeur ? arrêté quelque temps plus tard à Nice… Il avait été reçu par le chanoine Peyron, le père d’Alauyer, l’archiprêtre, etc et vint à Unang où il célébra la messe, communia… et confessa sans doute ces dames !

Nos visites périodiques à Unang

Mon père étant leur docteur, nous leur rendions visite au moins chaque année, au printemps généralement. Et plusieurs fois nous y dinâmes en famille.

On s’entassait sur la petite voiture, attelée de Faust ou de Bijou, deux ou trois sur la banquette avant, deux ou trois sur la banquette arrière.

Il fallait pour s’y rendre, une heure un quart environ. Lorsque nous débouchions sur l’esplanade, nous apercevions généralement ces dames derrière les vitres de leur bibliothèque. Eugénie, leur cuisinière si dévouée nous accueillait sous le porche et nous introduisait. Parfois la vieille Ninon dont le mari était le jardinier d’Unang.

Elles nous prêtaient assez souvent quelques-unes de leurs revues, notamment le Panache Blanc ou la Revue d’A. F. qui, à ce moment-là, n’était pas condamnée.

Royalistes, elles étaient pour le comte de Chambord et n’aimaient pas d’Orléans.

Pour fêter mon sous-diaconat

Elles nous invitèrent à diner chez elles. Malgré la présence du père […], je fus mis à la place d’honneur, une guirlande de fleurs ornait mon assiette. On me fit tous les honneurs, pour honorer en moi l’élu du Seigneur…

Un diner en compagnie de l’abbé Sautel, curé de Venasque

On servit un gigot faisandé qui, dès son entrée, éveilla mon odorat, notre odorat ! et me fit tout d’abord penser qu’on aller nous servir du chevreuil.

Chacun de nous s’attendait à ce que Mme de Soissan prenne l’initiative de reconnaître que vraiment ce gigot était un peu trop avancé, mais en vain ; chacun dut se résigner à y faire honneur, autant que faire se pourrait. Papa réussit cependant à en faire disparaitre une portion dans la poche de sa veste. Il n’y eut que le bon abbé Sautel[Victor Poucel a écrit une biographie : L’abbé L. Sautel, curé de Venasque (1857-1926)] qui, myope, le nez dans son assiette, mais tout à ce qu’il racontait, mangea sa portion intégralement et somme toute de fort bon appétit, sans se douter de rien.

Le plus curieux de l’affaire est que le gigot pourri ne fit de mal à personne !

Un diner dans l’antichambre, quelques temps après la mort d’Edgarde, en compagnie, je crois, de dom Léonce, abbé nommé de Lérins

Il fut caractérisé par ce fait, assez impressionnant d’ailleurs, que la porte de la chambre d’Edgarde, conservée dans l’état où elle se trouvait au jour de la mort, resta entrouverte, et que le couvert d’Edgarde et sa chaise demeurèrent à leur place habituelle, comme si Edgarde allait revenir. Il en était de même chaque jour, d’après la volonté de Mme, pour attester la présence invisible de sa fille si regrettée…

L’une de mes premières messes fut dite par moi à Unang., quelques jours à peine après mon ordination. Le vin qui me fut présenté était rouge.

Souvenir rétrospectif d’Unang à Mazan

Pour la béatification de Jeanne d’Arc, j’allais moi-même chercher ces dames à Unang, avec Faust. Melle Edgarde monta à mes côtés mais Mme de Soissan, qui ne craignait pas l’auto, conservait pour la voiture une appréhension irrésistible depuis qu’elle avait été témoin d’un accident survenu avec ce moyen de locomotion.

Mme de Soissan ne voulut pas monter et suivit la voiture qui bien entendu dut faire au pas la route d’Unang à Mazan, à pied, le bâton à la main, l’autre main tenant la voiture. On conversa aimablement tout le long du chemin.

Elles dinèrent à la maison.

Elles nous avaient prêté pour la circonstance une grande toile représentant Jeanne d’Arc à cheval, que Melle Edgarde avait peinte elle-même, et que, avec Gaston, nous fixâmes, non peine ni danger, au sommet de la maison, au-dessus de la porte d’entrée, dont la corniche était ornée de vases de géranium. De chaque côté, des drapeaux, des oriflammes, et aux fenêtres, des transparents, accessoires pour l’illumination du soir.

C’est le jour où l’abbé Archelet nous donna, à l’église de Mazan, un panégyrique si long, que j’écoutais de la tribune, et qui fut suivi d’une procession très solennelle à travers les rues du pays.

Le soir une dernière cérémonie nous réunissait à l’église dont la façade était brillamment illuminée.

Notes et références

  1. Edgar de Raffélis-Soissan
  2. Joseph d’Arbaud était le petit fils d’Eugénie de Raphélis-Soissan
  3. Déjeuner dans le langage de l’époque, le repas du soir étant le souper

Maisons de commerce « Dessalle, Caire & Cie » et « Joseph Fournier & Cie »

Les soussignés Joseph Fournier, Florent Dessalle et Louis Laurent Caire, pénétrés de la nécessité de changer leur précédent contrat de société du 30 Xbre 1818, et d’en faire un nouveau sur des bases dont les dispositions puissent concorder et soyent en harmonie avec les règlements et lois de commerce en vigueur dans les Etats où il doit recevoir son exécution. Sont convenus, et demeurés d’accord de ce qui suit.

Article 1er. Les susnommés déclarent renouveler leur association pour les établissements de commerce déjà existant à Livourne et Trieste et connus dans ces deux villes sous la raison de J Fournier, Dessalle, Caire, et dont les opérations ont consisté et consisteront en achats et ventes de marchandises, opérations de banque, et de commerce en consignations, commissions et autres affaires commerciales.

Article 2ème. La durée de cette nouvelle société sera de trois années consécutives qui commenceront le 1er janvier 1821 et finiront le 31 Xbre 1823. La raison de commerce de l’établissement de Trieste sera Dessalle, Caire & Cie. M. Dessalle sera le seul gérant dudit établissement, et en aura seule la signature, et la libre disposition des fonds. La maison de commerce de l’établissement de Livourne sera Joseph Fournier & Cie. M. Fournier en aura la gestion et la direction. Il en aura la signature conjointement avec M. Caire.

Article 3ème. Le fonds capital de la maison de Trieste sera de florins quatre-vingt-treize mille sept cent cinquante f 93750 courants d’Auguste, et sera versé en entier par M. Florent Dessalle.

Celui de la maison de Livourne sera de piastres cinquante mille de 8/réaux en argent et le versement sera fait comme suit :

Piastres 36000 par MM. Joseph Fournier et L. L. Caire

Piastres 14000 par M. Florent Dessalle

Ce dernier ne sera que simple commanditaire dans la maison de Livourne, et ne pourra dans aucun cas être responsable au-delà de sa susdite mise de fonds d’où il suit que les deux établissements de Livourne et de Trieste seront indépendants l’un de l’autre, et que dans aucun cas la libre disposition des fonds que la maison de Trieste peut avoir actuellement et pourra avoir par la suite en compte courant dans la maison de Livourne ne pourra être contestée et refusée à M. Dessalle en raison de sa qualité de commanditaire.

Article 4. Attendu que les mises de fonds capitaux ne sont pas versées par égales portions par chaque associé, il demeure convenu qu’il sera prélevé chaque année sur les bénéfices l’intérêt de chaque versement à raison de six pour cent l’an. Cet intérêt se rapportait au débit des profits et pertes, et au crédit du compte de chaque associé en ce qui les concerne.

Article 5. Les appointements des commis, frais de bureaux, loyer de magasins et comptoirs tant à Livourne qu’à Trieste, et généralement tous les frais de commerce seront à la charge de la société, et porté au compte des profits et pertes.

Il sera tenu dans les deux établissements, en bonne et due forme, des registres, journaux et grands livre en partie double, et autres livres auxiliaires dans lesquelles il sera passé écriture de toutes les affaires de la société, et il sera fait chaque année à l’époque du 1er janvier un bilan, balance des livres, et un inventaire général dont les associés se fourniront réciproquement copie certifié.

Article 6ème. La répartition des profits et pertes constatés par le résultat de ce bilan annuel se fera de la manière suivante. Savoir 50  pour cent, soit la moitié des bénéfices nets desdits deux établissements, sera dévolu et appartiendra à M. Dessalle l’un des associés, les autres 50  pour, soit l’autre moitié, sera attribuée et répartie entre Messieurs Fournier et Caire d’après les conventions particulières établies entre eux. En cas de pertes par la maison de Livourne, elles seront supportées par les dits sieurs Fournier et Caire en proportion et à prorata de leur mise de fonds dans le dit établissement et par le dit Florent Dessalle aussi à prorata du fonds capital qu’il a versé dans ladite maison en qualité de commanditaire. En cas de perte par l’établissement de Trieste, quoique le fonds capital en ait été versé en entier par M. Florent Dessalle, il demeure cependant convenu que Messieurs Fournier et Caire les supporteront dans la même proportion que M. Dessalle se trouve exposé dans celle de la maison de Livourne, c’est-à-dire dans celle des piastres 14 000 à 50 000 piastres. Aucun des associés ne pourra demeurer débiteur par compte courant d’aucune somme excédant les articles qui s’y trouveront à son crédit et si cela échéait, il sera tenu de rembourser sans délai l’excédent à la société.

Article 7. Si par événement les pertes de l’un des deux établissements s’élevaient de manière à absorber la moitié du fonds capital de l’un d’eux, il demeure convenu que cette circonstance entraînera la dissolution de la société, et que les deux maisons ne devront plus occuper que de leur liquidation. Il en sera de même dans le cas de mort de l’un des associés que D. G.

Article 8ème. Il est entendu que les intérêts pour les fonds en compte courant seront réciproquement réglés à 6 % l’an entre les associés, et qu’ils en auront la libre disposition sans frais de commission.

Article 9. Il est interdit aux deux établissements de courir des risques maritimes, les assurances devront toujours en être souscrites, sauf un risque de deux mille florins, ou leur valeur qui leur est libre de courir.

Article 10. Messieurs Fournier Caire devront approuver, ou improuver le bilan de la maison de Trieste dans l’espace de trois mois à dater du jour où la copie leur en aura été remise. Passé ledit terme leur silence tiendra lieu d’approbation. M. Dessalle sera tenu dans le même délai après la réception de la copie de celui de l’établissement de Livourne de l’approuver ou l’improuver. Pour s’assurer de l’exactitude des comptes, les dits trois associés auront respectivement le droit pendant les trois dits mois de prendre connaissance des registres, livres et papiers de la société, mais sans pouvoir les déplacer.

Article 11. Messieurs Fournier et Caire reconnaissent que M. Dessalle a depuis longtemps versé dans la maison de Livourne la somme de piastres quatorze mille montant de sa mise sociale dans le dit établissement comme commanditaire, et qu’il a également versé la mise de fonds qui concerne l’établissement de Trieste.

Article 12. Les liquidations des affaires de la société à l’époque de sa dissolution se fera. Savoir. Pour la maison de Trieste par M. Dessalle, et pour celle de Livourne par M. Fournier. Les fonds libres au 31 Xbre 1823 et les premières rentrées seront affectées au remboursement des mises de fonds qui devra commencer dès la susdite époque et continuer à mesure que la liquidation avancera et suivant l’état de situation que chacun des susdits Messieurs Fournier et Dessalle s’engagent de remettre de quatre en quatre mois. Une fois la mise de fonds remboursée, l’on suivra la même marche pour la répartition et le remboursement des bénéfices que présentera le compte des pertes et profits de chaque établissement et les répartitions se feront tant en capital qu’en bénéfices dans la proportion de ce qui concernent chaque associé et de la manière déjà indiquée par le présent contrat.

Il est convenu en outre que la liquidation devra être terminée dans tout ce courant de l’année 1824 sauf à s’entendre sur la répartition qui pourra se faire des objets qui resteront en suspens s’il y en avait encore au 31 Xbre 1824.

S’il s’élevait quelques difficultés entre les associés pour tout ce qui a rapport à la présente société, les soussignés s’engagent de choisir des arbitres pour les mettre d’accord ; il en sera nommé de, savoir l’un par M. Florent Dessalle et l’autre par Messieurs Fournier et Caire conjointement ; ces deux arbitres auront pouvoir, en cas de partage d’avis, de se choisir un tiers arbitre pour les départager. Les parti s’engagent et se soumettent à exécuter la décision comme jugement en dernier ressort et sans pouvoir en appeler.

Article 13ème. Le contrat de société souscrit par les soussignés le 30 Xbre 1818 demeure nul et comme non avenu à partir du 1er janvier de la présente année sauf son exécution pour toutes les opérations antérieures à cette dernière époque.

Pouvoir et donner aux associés de faire approuver, enregistrer et publier le présent écrit portant partout où besoin sera.

Fait triple entre les parties sous leur signature privée, savoir par M. Fournier à Livourne le 8 janvier 1821 et par Messieurs Dessalle et Caire à Trieste le 2 janvier même année.

Déplacements de Louis Laurent Caire en 1823

D’après les courriers qu’il a reçus et la copie des courriers qu’il a envoyés, voici les villes où Louis Laurent Caire est allé pour ses affaires en 1823 :

  • du29/12/1822 au 14/01/1823 : Guernesey
  • du 22/01/1823 au 24/02/1823 : Jersey
  • du 01/03/2823 au 20/03/1823 : Guernesey
  • le 21/03/1823 : Londres
  • du 22/03/1823 au 28/04/1823 : Guernesey
  • le 30/04/1823 : Jersey
  • le 30/04/1823 : Guernesey
  • du 09/05/1823 au 14/05/1823 : Liverpool
  • le 14/05/1823 : Londres
  • du 18/05/1823 au 19/05/1823 : Liverpool
  • du 02/06/1823 au 19/06/1823 : Manchester
  • du 25/06/1823 au 27/06/1823 : Londres
  • le 05/07/1823 : Le Havre
  • du 14/07/1823 au 05/08/1823 : Paris
  • du 21/08/1823 au 01/09/1823 : Guernesey
  • du 06/09/1823 au 24/09/1823 : Jersey
  • du 29/09/2823 au 08/12/1823 : Guernesey

A noter que cette année là, il ne va ni à Trieste voir son associé, Florent Dessalle, ni à Gemenos ou Livourne voir ses sœurs.

Charles Marcotte de Quivières (1808-1875)

Famille

Charles Marcotte de Quivières

Charles Marcotte de Quivières nait le 28 février 1808 à Nantes. Il est le troisième enfant de Philippe Marcotte de Quivières et de Nathalie Bochet.

Le 10 septembre 1838, il épouse à Boulogne-sur-Mer Caroline Louise Augustine Adam.

Ils ont trois enfants :

  1. Marie-Georges, née le 19 août 1839 à Boulogne-sur-Mer,
  2. Georges Marie Albert, né le 16 septembre 1841 à Boulogne-sur-Mer,
  3. Lucy Marie Thérèse, née le 26 juin 1843 à Boulogne-sur-Mer.

Charles Marcotte de Quivières meurt le 23 septembre 1875 à Condette.

Carrière aux Monnaies et Médailles

Charles Marcotte de Quivières est nommé à vingt ans, surnuméraire des douanes. En 1832, il est inspecteur des Finances adjoint puis au 1er septembre 1846 inspecteur de 1ère classe.

Le 28 avril, il est appelé à la tête de la Monnaie en qualité de commissaire général. Écarté par la Commune, il trouve refuge à Bordeaux, tandis que le militant socialiste Zéphirin Camélinat (1840-1932), l’un des fondateurs de l’internationale, assure la direction de la Monnaie. Avec le Gouvernement Thiers, Marcotte poursuit sa carrière et est nommé le 25 janvier 1871 premier directeur « administratif » des Monnaies et Médailles (nom de la Monnaie de Paris à l’époque)  et achève sa carrière administrative à la Monnaie de Paris le 23 avril 1875.

La première pierre du bâtiment actuel quai de Conti est posée le 30 avril 1771 et la Monnaie de Paris est officiellement installée quai de Conti le 20 décembre 1775.

Il fait partie des personnalités éminentes au 19ème siècle logées à la Monnaie le temps de ses fonctions.

L’auteur

Haut fonctionnaire et homme de lettres, il effectue en 1844 et 1845 une mission d’information en Algérie sur laquelle il laisse un livre de souvenirs, Deux ans en Afrique1.

Notes et références

Sources

L’institut et la Monnaie : Deux palais sur un quai, Imprimerie Alençonnaise, 1990, pages 237 et 238

Références

Location du Bois de Silvy et du mas Arduin à Entressen – 11 février 1924

Entre mesdames Cécile Boyer et Marie Chancel d’une part et M. Pierre Massot d’autre part, il est convenu ce qui suit.

L’hoirie veuve Louis Massot donne en location à M. Pierre Massot les domaines du mas Arduin et du Bois de Silvy, à Entressen, Bouches du Rhône, pour une période de vingt années à partir de Saint Michel 1924, à raison de quatre mille cinq cents francs par an se décomptant ainsi qu’il suit : trois mille francs pour le Bois de Silvy et mille cinq cents francs pour le mas Arduin.

L’hoirie veuve Louis Massot aura à sa charge les impôts fonciers, par contre la personnelle mobilière, portes et fenêtres etc… seront à la charge de Monsieur Massot. Les redevances pour les eaux du canal des Alpines seront à la charge de l’hoirie.

Les travaux déjà effectués et payés par M. Massot, ceux qu’il entreprendrait par la suite et à payer par lui seront faits au bénéfice de l’hoirie.

Dans le cas où le bail passé par M. Massot au fermier sous locataire du Bois de Silvy à partir de St Michel 1924 et à terme le 29 septembre 1927, au prix de trois mille francs, serait à son expiration majoré ou diminué, le prix forfaitaire de 4500 francs serait à partir de la même époque augmenté ou diminué dans la même proportion.

Monsieur Massot ou ses ayant droit auront la faculté de résilier le présent bail en prévenant ses copropriétaires six mois à l’avance. Dans ce cas, le bail du Bois de Silvy serait transféré purement et simplement à l’hoirie.

Fait à Marseille le onze février 1924.

Notes et références

Location du mas Arduin et du Bois de Silvy

Lettre à Emile Gérard, des Salins des Peschiers le 20 juin 1856

Salins des Peschiers le 20 juin 1856

Monsieur

Émile Gérard (1802-1857)

Nous avons reçu hier 19 Ct six cens francs pour solder le compte des charretiers ayant transporté le sel de l’Almanarre. Parmi eux , nous avons pris note de ceux qui ont déjà touché de l’argent, tel que le nommé Ardouin auquel nous avons soldé tout compte intégralement et le nommé Blanc Victor auquel vous avez donné vous-même cent francs.

Comme Arnaud Richard a acheté les […] nous ne lui donnerons rien puisqu’il est en compte courant avec vous.

Le Capne Mancartetty dont vous nous parliez est arrivé pour prendre 70 mille que nous lui donnerons demain samedi… Il manque ce matin 100tne au Cne Thim. Nous allons faire notre possible pour les embarquer aujourd’hui.

Ce Mancartetty n’est pas le même que celui qui est parti l’autre jour. C’est son cousin. C’est celui que nous avons chargé en février pour l’Ile-Rousse… son navire est la Belle-Balagne.

Nous vous envoyons le compte des charretiers avec une annotation sur la livraison de ces sels. Thim à reçu environ 40tne de sels destinés à Roberts et que le Cne ne pût prendre. L’emploi que nous indiquons est à très peu de chose près exact… la seule différence consiste en ce que Roberts pourrait en voir reçu un peu moins et par conséquent Thim un peu plus. Mais cette différence ne dépasse pas 10 mille…

La tare de 50.000 kil que nous indiquons pour les sacs est approximative aussi vu que nous avons des sacs tellement rapiécés qu’ils pèsent trois et quatre kilo. surtout par les temps humides qui ont régné depuis longtemps.

Quelle fatalité : voilà la pluie qui commence ; il est huit heures du matin ; le soleil si beau à cinq heures et maintenant avoir de l’eau. Nous n’en finirons jamais.Dieu me pardonne !! Nous ferons prendre demain matin chez Cadière l’argent destiné aux besoins de la huitaine.

Lorsque nous aurons 150000 k sel de Capital, nous arrêterons les transports selon vos ordres.

Nous avons reçu hier 24 g.x (petitfroids) fourrage dit Luzerne de M… au prix de 3,50 le petit quintal. Total de 84 au lieu de 95 comme il l’indiquait sur son bill.

Nous avons indiqué sur l’état que nous vous remettons le nombre de jour que chaque charretier a travaillé, afin que vous puissiez voir quel profit ils peuvent avoir fait. Nous nous permettons de vous faire observer qu’il y en a qui ont de bons attelages tel que le nommé Montet. Arnaud Richard a eu quelques fois trois charrettes mais alors il avait de mauvais attelages. Ainsi la journée des charrettes n’a pas dépassé le prix que l’on paye ordinairement.

Nous vous accusons réception de 20 connaissemens timbrés.

Dans la journée de hier, les huit charrettes ont apporté 49.000 k… montant à 56.25 ce qui n’est pas extrêmement gagné pour des gens à forfait (sauf  meilleur avis).

Nous avons donc besoin de les laisser continuer encore quelques jours pour ne pas être pris au dépourvu par les Corses dont vous nous avez annoncé l’arrivée prochaine.

Recevez, Monsieur, l’assurance de notre sincère dévouement.

Pre Hugony

Notes et références

Lettre de M. Hugony à Emile Gérard datée du 20 juin 1856 transmise par Mme M. S.

La chapelle du château de Léoube – Deux ans en Afrique, Charles Marcotte de Quivières

Le château de Léoube et l’ancienne chapelle, aujourd’hui détruite

[…] J’habitais aux environ d’Hyères un vieux château, du nom de Léoubes, élevé, dit-on, par la reine Jeanne ; délicieuse retraite, complétement isolé, où, seul étranger, un brave curé des environs qui venait dire la messe le jeudi et le dimanche dans la chapelle, prenait place à notre table patriarcale.

Cette chapelle m’a rappelé un de mes vieux péchés qu’il faut que je confesse ici.

Pendant un séjour que j’ai fait1 à Toulon en 1842, la belle-mère2 de ma sœur me pria de composer pour la chapelle de Léoubes, qu’on restaurait alors, un grand tableau pour l’autel du fond.

Deux ans en Afrique – Charles Marcotte de Quivières (Manuscrit)

Elle me désigna le sujet. Elle voulait un Saint Joseph, la Vierge et l’enfant Jésus, et une foule de têtes d’anges, à la manière de Murillo. – Rien que cela.

Ces conditions posées, je fis les miennes ; et d’abord je m’opposais aux petites têtes d’anges qui me gênaient beaucoup.

Elle insista : elle tenait aux anges.

  • Vous arrangerez cela, me dit-elle, de manière qu’on ne les voie pas ; vous les dissimulerez.

J’acceptai la commande qui devait me rapporter une messe en musique, les bénédictions d’un grand nombre de dévotes invitées à l’inauguration, et une foule d’indulgences plénières.

Je me mis à l’œuvre. Je m’étais réservé le droit de choisir mes modèles. Une nièce de ma sœur [Zélia Vincent], avec des traits un peu accentués à la manière méridionale, avait une de ces physionomies pures et calmes qui devait inspirer mon pinceau : elle consentit à poser pour la Vierge.

Ma sœur venait de me donner un neveu, un gros garçon rose et frais, qui semblait être venu au monde tout exprès pour figurer dans mon tableau. J’avais donc mon enfant Jésus.

Mais où trouver Saint Joseph ? Je tenais à faire une œuvre consciencieuse. Je voulais que ma composition eût un cachet de vérité conforme à l’idée que certaines personnes ont conçue d’une famille composée d’une vierge, mère d’un enfant qui n’est pas le fils de son père, et d’une père qui n’est pas le mari de sa femme ; le tout cependant formant une seule et même famille.

Pendant que j’étais à délibérer, en passant la main gauche dans ma barbe, je jetai négligemment les yeux sur une glace posée en face de moi et j’aperçu… saint Joseph qui avait l’air de réfléchir profondément sur les difficultés de la situation. Je pris vivement mon crayon, et je croquai, sans désemparer, mon sont Joseph qui réunit parfaitement toutes les conditions voulues pour personnage de mon tableau. J’avais un père, une vierge et un enfant de la même famille.

Quant aux têtes d’anges, après en avoir dessiné, effacé, fait et refait deux ou trois autour de mon groupe, je pris le parti de les dissimuler par un palmier qui les couvrit entièrement de ses branches.

Le fond du paysage était un site de Léoubes, de sorte que la sainte Famille avait un air tout à fait local.

Le tableau terminé, les connaisseurs de Toulon et des environs vinrent le visiter dans mon atelier. Chacun s’extasia sur la ressemblance de la sainte Famille.

Vint le tour le grand’maman. A peine eut-elle jeté les yeux sur la toile, qu’elle entra dans une dévote fureur.

  • Qu’est-ce que vous m’avez fait là ? s’écria-t-elle. – Le portrait de Z… ! Je ne veux pas de cela. – J’aime beaucoup ma petite fille, mais je consentirai jamais à me mettre à genoux devant elle. Ca ne serait pas convenable ; changez cette tête.

J’eus beau insister, lui développer mon système de sainte famille, lui rappeler mes conditions, elle ne voulut rien entendre.

  • Non, disait-elle, on n’a jamais vu une grand’mère se mettre à genoux devant sa petite fille.

Il fallut céder, et je lui promis un changement à ma vierge.

  • Et mes anges, reprit-elle, où sont-ils ? Je ne les voie pas.
  • Mais c’était chose convenue, lui dis-je ; vous m’avez recommandé d’arranger les têtes de manière qu’on ne les vît pas. Eh bien, vous ne les voyez pas ; les têtes sont dissimulées derrière ce palmier qui les abrite de son feuillage.

J’eus de la peine à la convaincre, mais je lui avais fait la concession de ma Vierge, il fallait bien qu’elle m’accorda celle de ses têtes de chérubins.

En résumé, mon tableau encadré magnifiquement fut apporté avec pompe à Léoubes, et une grand’messe en musique, accompagnée d’une distribution de médailles, consacra l’œuvre sainte du grand maître. Malgré cette sorte de canonisation, je ne puis regarder sans rire mon portrait habillé en saint Joseph, et j’avoue que j’éprouve aujourd’hui, au sujet de moi, les mêmes scrupules que la grand’maman vis-à-vis sa petite fille. Je ne puis me décider à m’agenouiller sérieusement devant moi-même.

Notes et références

  1. L’auteur de cet article, Charles Marcotte de Quivières est le frère de notre ancêtre Félicité Marcotte de Quivières, épouse d’Émile Gérard. Suite à la publication de cet article, un internaute m’a communiqué un copie du manuscrit de ce texte. Le manuscrit est plus complet et plus intéressant à lire.
  2. Joséphine Félicité Gérard, née Mourre (1775-1848)

Léoube

Les enfants Abeille en vacances à Léoube

Pendant les vacances, les enfants Angèle, Geneviève, Maurice, Germaine, Marcelle, Marinette et Louis Abeille retrouvaient à Léoube une bande de cousins ainsi que leurs tantes. Ils étaient logés à la villa Maria avec la famille d’Émile Vincent. C’était une époque où les congés n’existaient pas pour les messieurs. Sous la responsabilité de Madame Bosc, « Les petites » ainsi nommées, terme péjoratif pour ces enfants orphelins, se sentaient un peu à part… Les garçons bénéficiaient de plus de liberté.

Tout le monde se retrouvait le dimanche pour déjeuner au château. Les domestiques mettaient le couvert et il y avait un petit couteau tout seul de son espèce et convoité par tous les enfants. Quand par le sort il tombait sur un des « petits », subrepticement, une des mères de famille le mettait à un de ses enfants. Donc aucun des « petits » n’a jamais eu le couteau convoité !1

« Les frivolités » – Souvenirs de Charles Vincent écrits par Colette Raffalli

La couture l’après midi – Août 1916

Parfois à l’issue du repas, oncle Edme se tournant vers ses nièces lançait : « Petite, à vos frivolités »… Ne croyez pas que sous ce vocable il y ait eu quelque chose d’affriolant. Non bien sûr que non. Il s’agissait simplement que le gent féminine prenne qui un crochet pour réaliser un col, qui une aiguille pour raccourcir un ourlet ou installer de nouveaux poignes à une robe etc…

Pendant ce temps là tous les cousins s’évanouissaient dans la nature, parcouraient les collines et les vallons et à bout de souffle fabriquaient un feu pour faire griller le poulet imprudent qui s’était égaré loin de la ferme…

A la fin de leurs travaux d’aiguilles, les cousines allaient en promenade sous la houlette de « Madame » leur gouvernante.

Ces petits moments de la vie allaient changer à l’approche de la guerre de 14. Vous avez sans doute remarqué que sur l’album de Suzanne Fabre, à la date de 1916, il n’y a pratiquement aucun cousin. Les seuls hommes présents sont en uniforme lors d’une permission. Mon père, engagé volontaire en 1916, était avec trois de ses frères au front, et mon grand-père engagé volontaire dans une milice qui surveillait jour et nuit par les sentiers des douaniers la rade de Toulon… Les délices de Léoube s’estompaient dans le bruit et la fureur dont les récits que mon père m’en faisait dépassaient l’entendement. Mais ceci est une autre histoire…

L’acquéreur de Léoube en 1921 fut un Monsieur Lebel qui avait fait fortune avec ses fusils pendant la guerre… Certains d’entre nous ont bien connu sa fille, Madame Olffensen qui se désolait que nous ayons dû nous séparer de tant de splendeurs. Ainsi va la vie…

Le temps des melons – Souvenirs de Charles Vincent écrits par Colette Raffalli

Il y avait un moment l’été où la saison des melons battait son plein. Sur la terrasse s’installaient alors dans leurs fauteuils de rotin les oncles qui se faisaient apporter les cageots. Leur mission était de choisir ceux que l’on servirait à table. Ils tiraient dons leurs couteaux de leurs poches, creusaient chacun un triangle dans un melon, goûtaient, puis, selon leur décision, jetaient dans un cageot vide l’objet de leur dégustation. Dans le cageot de droite, ils hurlaient « Bon pour les cochons », dans celui de gauche, « Bon pour la maison ». L’ennui, c’était que les oncles adoraient les melons et que leur dégustation s’étendait bien au delà des besoins de la table familiale. Au bout d’un moment s’ensuivait inévitablement des besoins naturels que le seul cabinet du coin ne pouvait permettre à deux personnes à la fois de soulager. On entendait alors par celui qui restait à l’extérieur du « petit coin », des gémissements et des supplications à fendre l’âme : « Edmond, je t’en supplie, laisse moi la place, je te donnerai ce que tu voudras mais ouvre par pitié. » C’était un spectacle réjouissant que je n’ai jamais oublié, d’autant plus qu’il se renouvelait, la gourmandise des oncles étant plus forte que le souvenir des conséquences inévitables qu’elle procurait.

A table – Souvenirs de Charles Vincent écrits par Colette Raffalli

L’été, nous déjeunions dehors sur la terrasse bordant la mer. D’immenses draps de toile étaient installés, tombant du 1er étage et s’appuyant sur la rambarde de façon à amortir la violence de la réverbération. Leurs mouvements au fil de la brise évoquaient les voiles d’un navire et engendraient des rêves de voyages et d’aventures. Cependant, nous étions fort nombreux : il y avait une table de parents et une immense table d’enfants extrêmement bruyante. Au début de chaque été l’oncle Edme, qui était célibataire et n’aimait pas le bruit, se levait, tapait sur son verre et annonçait d’une voix forte : « J’offrirai un âne à celui d’entre vous qui ne parlera pas à table durant tout l’été. » L’effet était spectaculaire et pendant deux ou trois jours, un silence de bénédictin présidait aux repas. Mais la tentation était la plus forte, petit à petit la parole reprenait ses droits et s’épanouissait jusqu’à retrouver la cacophonie habituelle, et c’est ainsi que l’oncle Edme n’eut jamais l’occasion d’acheter un seul âne…

A la chapelle – Souvenirs de Charles Vincent écrits par Colette Raffalli

Léoube : la chapelle, aujourd’hui démolie, et le château

Nous avions une tante Marie qui était très pieuse. Elle avait entendue dans sa jeunesse une voix lui disant « Marie, Marie, ne te marie pas » et elle avait décidé que la multitude de ses neveux suffirait à son bonheur. Bien entendu nous étions impérativement convoqués à la chapelle2 pour d’innombrables cérémonies que nos parents trouvaient quelques fois abusives et c’est ainsi qu’on assistait à l’occasion des vêpres notamment à la scène suivante. Tante Marie rentrait majestueusement dans la chapelle et s’installait au premier rang suivie par tous les oncles qui formaient comme un mur derrière elle, puis venaient en désordre le reste de la famille dont la horde de cousins qui s’installaient au fond. L’office commençait et l’un des oncles faisait au bout d’un moment avec la main un geste impératif désignant la porte de la sacristie ouverte et comme des sioux, en silence et en bon ordre, nous nous glissions dehors retrouver avec bonheur le soleil, la lumière impérieuse et les poursuites dans les bois. Tante Marie vécut très longtemps faisant bénéficier de sa générosité tous ceux que la vie avait meurtris et qu’elle pouvait rencontrer. Elle trouvait que notre famille avait été très gâtée par la vie et priait assidument pour que ses neveux soient pauvres. Mon père disait qu’elle y était remarquablement parvenue.

Le curé de la Londe les Maures – Souvenirs de Charles Vincent écrits par Colette Raffalli

Mon père ne se rappelait plus son nom mais très bien de sa gentillesse et de sa disponibilité… Avec l’avènement du chemin de fer à vapeur qui traversait tous ces bois entre Hyères et Bormes les Mimosas, invariablement les locomotives qui crachaient pas mal d’escarbilles arrivaient à mettre le feu… Aussitôt on envoyait un homme à cheval chez le curé qui sonnait à toute volée le tocsin pour avertir les populations. Chacun laissait là son ouvrage et se précipitait pour prêter main forte, qui avec des seaux d’eau, qui avec des branchages pour taper sur le feu. On allumait aussi des contre-feux et on ne peut pas dire qu’il y ait eu à cette époque les catastrophes que nous allions connaître bien plus tard dans le massif des Maures ou à Tanneron. Cette solidarité a disparu au grand regret de ceux qui l’ont vécue…

Une autre particularité de ce curé bienveillant était de répondre sans délai à l’appel de mon arrière-grand-mère Élise Gérard-Vincent tous les 15 août. Comme chacun de nous le sait, Sainte Marie est une grande fête dans notre famille dont tous les membres portent les prénoms de Marie Joseph. Ainsi ce brave homme par une belle chaleur arrivait en sueur au château où la famille l’attendait tellement nombreuse qu’à elle seule, elle formait la procession du 15 août partant de la chapelle pour déambuler sous les pins jusqu’à la statue de la Vierge en chantant des cantiques qui faisaient taire les cigales…

Je voudrais dire un mot de cette arrière-grand-mère décidée et imposante qui ne s’était jamais appuyé au dossier de n’importe lequel de ses fauteuils. Elle avait une grande allure, se tenait droite comme un i et avait une mémoire infaillible disait mon père. Il se rappelle très bien enfant être allé chaque premier janvier souhaiter la bonne année à cette fabuleuse grand-mère qui trônait toute la journée dans le grand salon de la place d’Armes à Toulon pour recevoir les hommages de son innombrable famille avec de chaque côté deux sacs remplis de pièces, l’un de 20 sous et l’autre de 200 sous. Elle donnait 20 sous à ceux qui n’avaient pas fait leur première communion et 100 sous à l’avaient faite. Mon père éberlué racontait qu’elle ne s’était jamais trompée…

Histoire de Léoube par Frédérik Lantelme

Le domaine de Léoube faisait partie, au XVIème siècle, du marquisat de Brégançon situé sur le territoire de la commune de Bormes, il est limité au sud sur une longueur de plus de 3 km par le rivage de la rade d’Hyères.

Il appartenait à François Bogogni qui le donna à son gendre en 1619. La descendance de ce dernier s’étant éteinte en 1745, Léoube fit retour à l’État qui dut le rétrocéder aux créanciers.

Ce fut Simon Segard, bijoutier à Paris, qui l’acquit, mais il le revendit l’année suivante, en 1746, aux frères Brémond qui se firent appeler Brémond de Léoube et le conservèrent jusqu’en 1840, date à laquelle ils le vendirent à Émile Gérard, âgée de 38 ans, fils de Joseph Dominique.

Le château date du XIVème siècle (donation par la reine Jeanne en 1348, comtesse de Provence et de Forcalquier) et il a fait l’objet de plusieurs restaurations en 1731 et 1883.

Léoube – Chemin de Pierre Blanche – Dessin à la plume d’Émile Vincent

Construit sur une éminence, sur son sol se développe une végétation exubérante de pins d’alep et de pins maritimes, de chênes-liège et de châtaigniers, vignes, oliviers et de toutes sortes de plantes odorantes répandues sur la Côte d’Azur, propre à inspirer Émile Vincent (1828 1907) (neveu d’Émile Gérard) qui nous laissera de nombreux tableaux, dessins et fusains, cités par Henri Vincent dans son ouvrage sur son père : Léoube, plage du Pellegrin (fusain), Chemin sous bois dans la forêt de Léoube (dessin à l’encre de Chine), Chemin de Pierre Blanche Léoube (dessin à la plume).

Le château, (on a une très belle vue sur la rade et les îles d’Hyères), comprend des appartements spacieux ; rez-de-chaussée, un grand salon et une salle à manger pouvant contenir 30 à 40 personnes. Au premier et deuxième étage : 18 chambres. Dans sa cave, on peut loger plus de 3000 hectos.

Les communs comprennent deux écuries et deux remises pouvant abriter une dizaine de chevaux. Une bergerie de 200 moutons.

Les récoltes de 1920 ont été les suivantes :  vin (3000 hectos), avoine (16 000 K.), fourrage (40 000 K.), pêche (5 000 K.), etc…

La superficie du domaine est d’environ 610 hectares, 500 en forêts, 54 vignobles, 25 en terres labourables, 31 bâtiments, parcs, chemins, etc…

Le parc est planté de magnifiques palmiers, d’eucalyptus gigantesques, d’une grande variété de mimosas et d’arbres exotiques.

Les descendants d’Émile Gérard ont du s’en séparer, la propriété a été mise en adjudication devant le tribunal de Toulon le samedi 23 avril 1921 sur la mise à prix d’un million de francs. Acquéreur : Messieurs Engelsen et Lebel.

Vente de Léoube le 23 avril 1921

Pour la vente aux enchères du 23 avril 1921, Pierre et Émile Gérard, Albert Dor et Henri Jombert réalise une brochure.

Cette brochure comporte des erreurs comme une interversion des légendes des photos. Pour notre famille, en page 6, J.D. Gérard étant décédé le 21 septembre 1930, c’est son fils Émile Gérard qui a acheté Léoube en 1840.

A noter que la valeur de la propriété était diminuée en raison des incendies de 1918 et 1919.

Léoube a été adjugé 1 501 000 francs à Monsieur L. Aubert. Henri Vincent rapporte que d’après M° Palenc, notaire à Hyères, M. Aubert a reconnu avoir eu la propriété à bon compte : il était persuadé qu’il ne l’aurait pas à moins 1 800 000 francs3.

Mise en vente de Léoube le 23 avril 1921 – Collection Marc de Raphélis-Soissan

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Notes et références

  1. Récits d’Annie Séjourné et de Mireille Caire
  2. Cette chapelle était accolée au château et est aujourd’hui démolie. A ne pas confondre avec la chapelle Saint Georges.
  3. Il y a une incohérence entre les noms des acheteurs donnés par Frédérik Lantelme et Henri Vincent.
  4. Trois familles provençales : Vincent – Gérard – Benet – Frédérik Lantelme – 1988 (pages 315 et 316)

Annulation d’un jugement rendu contre Emile Gérard – 17 décembre 1844

Emile Gérard (1802-1857)

Le 10 juillet 1840, Émile Gérard acheta, des frères Brémond de Léoubes, le château de Léoubes et ses dépendances, moyennant 80,000 francs. – Sur la demande de la régie, une expertise fut ordonnée par le tribunal de Toulon. – L’expert de la régie estima le domaine 169,408 francs 94 centimes ; l’expert de Gérard l’estima 81,380 francs. – Le juge de paix nomma tiers expert, qui estima l’immeuble 88,160 francs et 41 centimes. – La régie, relevant des erreurs partielles dans l’évaluation du tiers expert dingue que, d’après des bases posées par lui, l’évaluation de vaisselle levait à 93,832 francs 39 centimes.

Elle conclut à ce que l’expertise et la tierce expertise fussent déclarées nulles, et à ce qu’il fut procédé à une nouvelle expertise. – Gérard conclut à ce que, sans avoir égard à la demande de la régie il fut mis hors de cause et de procès. – Sur ces conclusions, le tribunal civil de Toulon rendit, le 27 décembre 1842, un jugement par lequel il homologue à le rapport de l’administration de l’enregistrement, et condamna Gérard dépens ;

Ces motifs sont qu’en admettant l’existence des irrégularités de forme signalées par l’administration dans les rapports des deux premiers experts, elles ne seraient pas de nature en entraîner la nullité ; que, la régie s’appuyant, pour sa demande, sur les erreurs commises par le tiers expert, le tribunal avait le droit d’examiner les rapports au fond ; – que les tribunaux ayant le droit d’ordonner une nouvelle expertise, on ne peut leur refuser la faculté de choisir, parmi les différentes estimations qui leur sont soumises, celle qui leur paraît la plus juste et le plus raisonnable ; – que l’estimation donnée par l’expert de l’administration est la seule qui soit juste et raisonnable et qui se rapportent véritablement à la valeur vénale de l’immeuble.

C’est contre ce jugement qu’Émile Girard s’est pourvu ; – son pourvoi est fondé, dans la forme, sur ce qu’il n’a pas été donné de motifs sur le rejet des conclusions tendantes à l’annulation de l’expertise, et sur ce que le jugement se contente de dire que l’opinion du tiers expert est la seule qui soit juste et raisonnable. Le demandeur trouve que ce ne sont pas des motifs dans le sens de la loi, et que le jugement doit être cassé, pour violation de l’article 141 du Code de procédure civile, et de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810. – Au fond, il soutient que le jugement a violé les articles 17 et 18 de la loi du 22 frimaire an VII ; – que ces articles veulent que la valeur des immeubles soit déterminée par une expertise ; que, s’il y a une tierce expertise, la valeur de l’immeuble ne peut pas être déterminée par l’avis de l’expert de la régie, mais par les deux avis les plus modérés, formant la majorité ; autrement, on prendrait pour l’évaluation un avis seul et qui serait le plus élevé, ce qui ne peut pas être.

La régie de l’enregistrement répond, sur le moyen de forme, que le demandeur n’est pas recevable à critiquer les motifs sur lesquels le jugement s’est appuyé pour rejeter ses conclusions, et sur l’insuffisance des motifs pour lesquels le jugement adopte l’avis de l’expert de la régie ; que le jugement adopte la vie de l’expert qu’il homologue et auquel il se réfère, ce qui suffit pour remplir le vœu de la loi. – Au fond, la régie répond qu’il est sans doute de règle, dans cette matière, que l’estimation soit faite par les experts, et que la majorité des opinions de ces experts fasse loi ; mais que le jugement attaqué n’a pas méconnu cette règle ; qu’il a choisi, entre les trois opinions divergentes, celle qui lui a paru la plus juste, et qu’en considérant que l’opinion du tiers expert, rectifié dans ses erreurs matérielles, arrive à résultat semblable à celui de l’expert de la régie, on doit conclure que le tribunal a suivi la majorité des experts.

Sur quoi, ouï M. le conseiller Simonneau, dans son rapport ; MMes Rigaud et Moutard-Martin, avocats des parties en leurs observations ; et M. Delangle, avocat général, en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;

Vu les articles 17 et 18 de la loi du 22 frimaire an VII ;

En droit, attendu que l’article 323 du Code de procédure civile, qui déclare que les juges ne sont pas astreints à suivre l’avis des experts, ne s’applique pas aux expertises en matière d’enregistrement ; – que les règles à suivre en cette matière sont tracées dans les deux articles précités, et que c’est aux experts seuls qu’est confiée la mission d’apprécier la valeur des immeubles dont il s’agit ; que la question de savoir s’il y a une plus-value doit être résolue par le résultat de l’expertise ; – que, si les deux experts nommés par les parties sont d’accord, les juges sont obligés de suivre leur avis ; – qu’en cas de partage, et après la nomination d’un tiers expert, soit qu’il ait été choisi par les deux premiers experts, soit qu’il ait été nommé par justice, c’est la vie de la majorité des experts qui doit faire la loi, puisque cet avis est le véritable résultat de l’expertise ; – que si les juges ne croient pas devoir s’arrêter à l’expertise, ils peuvent, même d’office, en ordonner une nouvelle, mais que, dans aucun cas ni sous aucun prétexte, ils ne peuvent faire par eux-mêmes l’estimation des immeubles dont il s’agit, ni adopter arbitrairement l’avis isolé d’un des experts ; – que, s’ils avaient cette faculté, l’appel d’un tiers expert, en cas de partage, serait sans objet ; – en fait, attendu que le jugement attaqué, après qu’un tiers expert a été appelé, a adopté l’estimation isolée de l’expert de l’administration et homologué son rapport, comme s’il pouvait seul constituer le résultat de l’expertise, et qu’en statuant ainsi il a violé les dispositions des articles 17 et 18 de la loi du 22 frimaire an VII ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens,

La Cour casse et annule le jugement rendu, le 27 décembre 1842, par le tribunal civil de Toulon ; remet les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit jugement, les renvoie, pour être fait droit au fond, devant le tribunal civil de Draguignan.

Notes et références

Bulletin des arrêts de la Cour de cassation – Tome XLVI – Pages 372 à 374