Arrivée de la famille à Léoube – 1840

Voici un texte sur Léoube écrit par « Bonne maman », Félicité Marcotte de Quivères, épouse d’Emile Gérard (et reproduit par Henri Vincent) :

Léoube
Léoube

En 1840 la propriété de Léoube fut achetée par le père de famille Émile Gérard. Ce fut une grande joie pour tous d’arriver dans ce site abrupt et isolé qui semblait le bout du monde. Il fallait huit heures par des chemins impraticables pour y arriver. Depuis les Vieux-Salins, le trajet se faisait en charrettes. Souvent l’on versait. Les torrents de Maravenne et de Pansard, à traverser, n’étaient pas toujours guéables. Toutes ces difficultés augmentaient le charme de cet endroit si solitaire qui, avec ses bois impénétrables, ses hautes bruyères fleuries et embaumées, ses cystes, ses lauriers roses, ses myrtes, donnait l’idée d’une terre vierge et inexplorée.

Toute la famille, grands et petits, vieux et jeunes, comme de nouveaux colons, alla prendre possession du nouveau domaine. Tout y manquait, tout était à faire pour s’y installer. Mais la première pensée, le premier cri fut : Où aller à la messe ? Deux heures de chemins affreux pour se rendre soit à Bormes, soit à la Londe. Emile Gérard, le père bien-aimé, déclara aussitôt que la demeure du Bon Dieu serait le premier ouvrage entrepris. On examina les lieux. Un petit bâtiment délabré s’appuyait sur une des vielles tours du château. Là demeurait une vielle femme qui donnait à boire aux travailleurs. Elle raconta qu’avant la Révolution, ce petit réduit était une chapelle, qu’on y avait dit longtemps la messe et que l’ancienne propriétaire, Madame Brémond, lorsque tout le monde était couché, venait chaque soir s’agenouiller au milieu du cabaret pour demander pardon à Dieu des blasphèmes et des mauvaises paroles qui se proféraient dans ce lieu anciennement bénit.

On fut vite d’accord pour réédifier en cet endroit une chapelle. Les maçons et les ouvriers furent mis à l’œuvre. Mais que de difficultés et d’embarras pour les matériaux à employer ! Tout venait par mer ; et quel évènement, quelle joie, lorsque la barque arrivait. On allait en troupe au bord de la mer, assister au débarquement. C’étaient les matériaux, les portes, les petites fenêtres, puis enfin, quelle joie ! l’autel que l’on trouvait bien beau.

Chaque membre de la famille apporta son présent pour orner et meubler la chère chapelle. La grand-mère Gérard offrit le calice, souvenir d’un Père Dominicain de la famille, mort dans les missions d’Amérique. La croix fut donnée par Madame de Roux, la première qui alla jouir dans un monde meilleur des joies éternelles. Les chandeliers, les ornements, les linges sacrés furent offerts par tous les autres. Tout était bien modeste. Sur l’autel, une simple gravure représentant la fuite en Egypte. Cependant, Letuaire, artiste renommé à Toulon et l’oncle Charles Marcotte peignirent des fresques.

L’érection achevée, la bénédiction fut enfin décidée pour le 8 septembre 1841. La petite chapelle fut placée sous le vocable de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.