Lettre d’Alix Poucel à Marguerite Caire, le 11 mai 1947

Avenue Saint Marc Forcalquier (B. A.) 11 mai 1947

Ma chère Marguerite [Caire, sœur ainée de mon grand-père Henri Caire]

Vous avez été si chaudement fraternelle que je viens vous confier l’épreuve actuelle de Brindille. Cet humble ouvrage est venu au jour par circonstances providentielles et a été constamment marqué d’une manière souvent quasi miraculeuse de la volonté du Bon Dieu.

Mais à peine édité les obstacles les plus invraisemblables ont surgi. La quantité de fautes d’abord gâchant le texte ne pouvait absolument pas se produire (l’explication […] allongerait) et ne peut s’expliquer que par la volonté du Bon Dieu de mettre le signe de la Croix sur ce livre.

Toutefois on me dit que c’est à tort que je me suis inquiétée de ce que les feuilles d’errata, pauvre remède, ne peuvent tout signaler, car si ce livre plait, m’assure-t-on de divers côtés, le lecteur ne s’arrête pas à quelques vétilles. Je l’ai du reste constaté.

Mais tout à fait grave est la carence de l’éditeur qui n’est plus Xavier Mappus, lequel avait édité Victor [Poucel] et accepté les Fioretti, mais son fils Antoine qui le remplace au Puy, Xavier Mappus ayant recommencé à s’occuper à Colmar de la maison d’édition Alsatia qu’il avait fondée je crois et qui s’est remise en marche après la guerre.

Antoine s’avère un complet incapable et m’a implicitement avoué qu’il n’a rien fait et n’a pas employé les moyens de publicité de son père. Tout en me montrant une touchante bonne volonté et vendre ses livres c’est du reste son intérêt, il a tout laissé en plan.

On me dit par ailleurs que les auteurs qu’il édite se désespèrent.

Les livres de Victor intéressant seulement une qualité très spéciale de lecteurs, se vendaient cependant bien sous la direction de Xavier Mappus me disait mon frère. Et les Fioretti qui, à cause de leur genre, plaisent à tous, soulevant même des enthousiasmes, auraient été enlevées si simplement la publicité habituelle avait été faite. Mais il n’est toujours pas dans les librairies.

La première cause de mon souci à ce sujet est M. L. André [Marie-Louise André, une cousine germaine de mon grand-père] ruinée au cours de l’édition qui a voulu cependant tenir sa parole en payant immédiatement, mais a besoin de rentrer au plus tôt dans ses fonds. C’est ce que j’ai expliqué à Antoine M. auquel on dit qu’il faut tenir l’épée dans les reins.

C’est un malade, un anormal cérébral complet. Trois exemples :

  1. Pour le prix fixé par lui à 120 fr à cause d’une erreur de 20 fr en plus faite par lui donne une addition de quelques chiffres à peine.
  2. Le lui ayant fait remarquer, il m’envoie un 2ème exposé des frais (représentant impôts etc.) dans lequel les facteurs sont entièrement différents de ceux du 1er exposé et, un comble !,  les 5% alors de diminution légale au lieu d’être soustraits sont ajoutés à l’addition. J’ajoute que les frais de publicité qui font monter le prix du livre n’ont pas existé puisqu’on a rien fait !
  3. Comme je lui avais écrit que la commande de Clairière faite deux fois (et peut être trois) n’avait pas été servie, il la lui envoie ; Joseph voit les livres en magasin mais reçoit ensuite une lettre de ce pauvre Antoine lui disant qu’il ne croyait pas que Clairière lui ait rien commandé !

Évidemment il faudrait qu’il soit remplacé, mais c’est lui qui reçoit les lettres pour Xavier Mappus et l’on ne peut donc aller voir celui-ci.

Et puis conviendrait-il de l’anomalie de son fils ? Accepterait-il de la congédier ? Et comment le remplacer quant à lui-même il trouve plus avantageux probablement sa situation reprise à Alsatia et préféra la garder, dut sa maison du Puy s’en aller à la dérive.

J’ai confié ceci à notre Carmel de Lisieux où l’on a pris avec flamme la propagande des Fioretti, comme moyen d’apostolat. On fait une neuvaine à cette intention.

Les circonstances m’avaient mise en rapport […] avec Mère Agnès, prieure et sœur de la sainte. Sa secrétaire, sœur Madeleine de Saint Joseph, s’est prise pour nous d’une ardente tendresse et nous traite en véritables sœurs. Et voici la découverte : dans le monde Madeleine Pruvost, elle était  élève du SC de Saint Joseph Marseille et contemporaine  de Marguerite et Blanche Abeille qu’elle a connues.

Je reviens à la question du prix. Je crains qu’Antoine ne le tienne fixé à 120 fr alors qu’il devrait être, s’il n’avait pas commis d’erreur dans son 1er calcul, de 100 fr et avec le 10% d’abaissement, réduit à 90 fr ce qui évidemment faciliterait beaucoup la vente.

Voilà ma petite Marguerite, j’ai déchargé mon cour. J’ai cru devoir mettre notre chère M. L. au courant du moins en plus résumé. Je n’ai pas encore sa réponse et en suis un peu inquiète.

Voici bien des atouts si la publicité se faisait, si le livre arrivait dans les librairies : l’œuvre splendide du Renouveau français dont je ne peux vous parler dans cette lettre trop longue s’est enthousiasmé pour les Fioretti. Il devait les faire connaître à des milliers d’adhérents. L’œuvre de l’Union des malades la propage aussi dans son milieu. La Revue de l’Oratoire doit en parler. Son directeur m’a écrit une lettre enthousiaste. Plusieurs autres revues sont à l’horizon, mais j’attends encore que cela marche. Mon cousin de Villeneuve à Lyon a fait connaître le livre à sa fille Marthe, religieuse du SC, pour qu’elle le fasse prendre comme livre de prix, etc. etc. J’aurais envoyé un exemplaire au SC de Marseille mais puisque le livre n’est pas encore lancé en librairies (la B. Presse n’en avait commandé que 6 et Clairière 3 !), j’attends. Comment faire ?

Marcel Provence, président de l’académie d’Aix, m’annonce qu’il va faire décerner aux Fioretti le mois prochain un prix de vertu. Je n’avais pas demandé l’académie d’Aix me donne ce genre de prix mais je pourrai mettre seulement « Couronné par l’Académie d’Aix en Provence ».

Et comment se peut-il qu’avec un horizon bouché je sois encore allée écrire des suppléments pour une 2ème édition éventuelle ? Marguerite Ladevie [Marguerite Abeille, épouse d’Allyre Ladevie] m’en avait demandé pour le chapitre du Patriarche d’autres suggestions dont la vôtre, amie, pour d’autres sujets mais plutôt que cela un chapitre sur le destinataire de cette lettre dont le dévouement obscur, continuel et total, est une splendeur morale m’aurait attirée. Mais commande-t-on à l’inspiration ? J’étai alitée, fiévreuse et n’ayant pas la force de penser lorsque une autre Margueritte s’est imposée à mon esprit avec une telle puissance qu’il m’a fallu malgré tout coordonner tout cela et l’écrire. Mad, mon sévère et précieux critique, m’a obligée à de bonnes retouches. Je vous enverrai les pages qui vous intéresseront probablement ainsi qu’à Marcelle [Abeille], peut-être Henri ; Quand elles seront lues, je vous serais obligée de me les renvoyer. Là aussi, tout est vrai, même les détails.

Voici les éclaircissements que vous désiriez encore :

  • Clairon, tante de Bruno Durand, Claire Durand, aixoise. Bruno est connu surtout à Aix dans le monde des lettres. Maman mourante nous avait confiés à cette admirable amie. Son frère a épousé la sœur de la mère de Bresc, une belle sœur aussi de Mme de Terris.
  • Victoria, demi-sœur de ma belle-sœur Germaine [Bouteille, épouse d’Henri Poucel] à Aix.
  • Mme Chevalier : garde malade de la famille.
  • César et Marie, à notre service. Avez dû les voir.
  • Payan et Sr des Poulets ont été aussi chez nous.
  • C’est bien une photo de maman tenant Jean sur ces genoux qui a été reproduite [page 27]. Mais notre jeune illustrateur n’a pas saisi la ressemblance. Il achève de se former à l’École des Beaux-Arts à Lyon et s’est mis en tête des élèves.
  • Tia : Ce dessin [page 50] a été raté à la reproduction typographique qui m’a livré une vilaine figure au lieu d’une belle. C’est la part du feu.
  • Le cierge : Mme d’Aspres, de ND du Mont et de la chapelle du St St rue Marengo.
  • Hostia : grand-mère de Marguerite et BlaNche Abeille [Léonie Rolin, épouse d’Adolphe d’Almeida].
  • Magali : Mirène Dupré. Sa sœur Lilette est au 2ème monastère Visitation Marseille.
  • Printemps sur neige : Melle de Catelin, d’Aix, décédée.
  • Chef de Titres : M. Laprez du Crédit Commercial de France, actuellement à la retraite.
  • Mère adoptive : Mme Chabonier, notre voisine à Sainte Marthe.
  • Mas : M. Henri, route d’Aix à Vauvenargues (c’était là qu’avait eu lieu la tragédie d’arrêt qui a fait gémir la prison et attirer des foules).

Quand vous le pourrez, donnez-nous de vos nouvelles à tous. Quand vous reverrez Amélie [Caire, épouse d’Émile Saint Rémy Pellissier] ou lui écrirez, dites-lui notre affection. Comment va sa pauvre petite Suzanne ?

L’hôpital ici a longtemps battu son plein. Mes sœurs sont sur pied mais toujours faibles. Pour moi, la vraie loque. Point de congestion pulmonaire qui va et vient, a duré tout l’hiver. Je ne sais s’il subsiste. Toux, sclérose pulmonaire […] petite fièvre épuisante depuis un mois due surtout je crois à la |…]

Aidez-moi à rester filialement dans les mains du Bon Dieu. Nous vous embrassons bien fort toutes trois ainsi que Marcelle. Nos affectueuses amitiés à Henri.

Alix

Pardon pour cette lettre interminable. Je n’oublierai pas vos gâteries à Marseille, si délicates et trop généreuses.

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